L’inoubliable match du bonheur

Quand la foi du TPM soulève des montagnes brésiliennes... (Photo Fifa.com)

IL Y A DEUX ANS A ABU DHABI

L’inoubliable match du bonheur

14 décembre 2012

En arrivant dans la tribune, la première image qui s’imposait, c’était la couleur du stade : rouge, tout rouge. Les supporters de l’Internacional de Porto Alegre étaient venus à plusieurs milliers par charters. Deux heures avant le coup d’envoi, ils dansaient leur samba traditionnelle à grand renfort de percussions, célébrant à l’avance la victoire de leur club. Leur seule interrogation concernaient le score : combien de buts TINGA et ses coéquipiers allaient infliger aux pauvres Africanos ? Aucun doute dans leur tête : « Mazimbi » allait prendre une correction et les Brésiliens se retrouver en finale d’une épreuve qu’ils avaient remportée en 2006 face au Barça.

J’avais vite repéré les animateurs des 100 pour 100, isolés  au milieu de cet océan rouge. Ils avaient eu quelques difficultés à entrer avec leurs instruments, bloqués par des contrôleurs pointilleux. Mais désormais ils faisaient entendre leur « kokodioko » enflammé et les autochtones les observaient avec une sympathie amusée, comme on regarde les pauvres bêtes que l’on conduit au pré avant l’abattoir.

Les 45 premières minutes furent éprouvantes pour les nerfs. Les Brésiliens maîtrisaient le ballon et faisaient courir les Corbeaux. Mais KIDIABA, le Corbeau transformé en Aigle Noir, faisait des prouesses contre D’ALESSANDRO et compagnie. A 0-0 à la pause, on respirait un peu, mais juste un peu… Les 100 pour 100, eux, jouaient, chantaient et dansaient à perdre haleine. Et les Emiratis enturbannés commençaient à leur emboîter le pas.

Le jonglage de Patou, le trou de souris d’Alain…

C’est huit minutes après la reprise qu’un ouragan balaya le stade. MIHAYO, de son pied gauche, avait envoyé une longue relance sur EKANGA qui remisa au prix d’une détente à se rompre les vertèbres. A la réception du ballon, Patou KABANGU hypnotisa les défenseurs en contrôlant du droit puis frappa du même pied dans le même mouvement pour faire mouche. Entre Badiangwenas, on se cherchait du regard dans la tribune. On a marqué, on a marqué ! On s’embrassait des yeux, mais le match avait vite repris, haletant. J’étais derrière le banc des Colorados. Le coach ROTH arpentait sa zone en survêt rouge avec une mine d’enterrement, sentant que le match prenait tournure. J’ai vu les remplaçants se prenant la tête entre les mains, pétrifiés…

Pendant une demi-heure, l’Inter attaqua sans relâche. En face, les  joueurs du Katanga serraient les dents, repoussant la fatigue, luttant sur chaque ballon. En bord de touche, le coach Lamine hurlait ses consignes à en perdre la voix. C’est alors qu’Alain « RonalDIOKO » sortit un tour de magie de sa besace. Parti du bord de touche, sur le flanc gauche, il entama une course jusqu’au coin des 16m50 en alternant les feintes pied gauche - pied droit. Il s’ouvrit un petit espace, un trou de souris juste suffisant pour y loger la balle hors de portée de RENAN. Deux à zéro à la 85e minute, c’était incroyable ! Je me souviens avoir couru dans tous les sens, drapeau noir et blanc à bout de bras. Quelque chose de magique venait de se produire là, sous mes yeux, comme dans un rêve.

Au coup de sifflet final, j’ai maudit les préposés à la sécurité qui nous empêchait de sauter sur la pelouse. J’ai pensé à tous ces fans massés place de la Poste à Lu’shi, devant l’écran géant, qui savouraient un bonheur sans fin. Et aux autres, à travers tout le Congo, qui allaient faire couler la bière à flots. J’ai vu les supporters brésiliens secouant la tête, en pleurs, n’arrivant pas à se consoler les uns les autres.

Le Tout Puissant m’a montré, ce jour-là, qu’impossible n’est pas Mazembe. Qu’une équipe de joueurs solidaires, durs au mal, bien organisés et disciplinés, peut déjouer tous les pronostics. Que la foi aide à soulever des montagnes et à écrire l’histoire. Et il m’a fait vivre une grande soirée de bonheur, les yeux humides, le cœur en flammes.

C’était le 14 décembre 2010 à Abu Dhabi, il y a exactement deux ans. Merci Moïse, merci Lamine, merci les gars. Je n’oublierai jamais.

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