Léonard SAIDI qu'on appelait "Grand Suisse"...

AU RENDEZ-VOUS DES GRANDS ANCIENS

Léonard SAIDI qu'on appelait "Grand Suisse"...

14 mai 2012

A l'hôtel Erasme de Bruxelles, il était venu saluer les U20 du TP Mazembe et leur encadrement. Lorsque nous l'avons sollicité pour cette interview, il a d'abord hésité puis notre insistance et quelques explications sur la rubrique des "Grands anciens" ont fini par le convaincre. De sa voix douce mais assurée, Léonard SAIDI BIN PIRI nous a fait remonter le temps. Près d'un demi-siècle en arrière, avec une mémoire sans faille. L'écouter feuilleter son album aux souvenirs aura été un vrai plaisir.

Monsieur SAIDI vous avez commencé le foot où et quand ?

À 16 ans, à l'école St. Boniface et à l'époque on ne pouvait pas jouer ailleurs. Mon père figurait parmi les co-fondateurs de Mazembe. Au tout début des années 40, il jouait attaquant et on l'avait appelé "avion de chasse". Vous savez, on donnait un sobriquet à chaque joueur. Nous, les jeunes, on jouait partout, sur le chemin de l'école, à l'aller comme au retour, sans jamais fatiguer... 

Et vous êtes passé de St Boniface au Tout Puissant ?

Oh non, pas tout de suite. Je suis d'abord parti en Suisse, à Neuchâtel, pour étudier, des cours généraux et je suis rentré chez Mazembe à l'âge de 20 ans. Pas pour longtemps, une saison seulement, avant de repartir. Cette fois à Anvers, au centre d'économie de Berchem. Où je suis resté jusqu'en 1965 et l'accession au pouvoir de Mobutu...

Mais pourquoi être reparti ?...

En fait, ce sont les gens de Lupopo qui m'ont fait partir. Ils avaient organisé un concours doté d'une bourse d'études. J'ai été sélectionné et j'ai su plus tard que c'était surtout pour... affaiblir Mazembe !

Quatre finales pour deux couronnes continentales 

Et là, à 25 ans, vous êtes dans la grande équipe de Mazembe. Racontez-nous...

On commence par faire champions du Congo à Kin, en battant Vita et Tshinkunku. On a une très bonne équipe avec (il énumère d'un seul trait...) Kazadi, Kalala, Mwanga, Mukombo Petit Suisse, Athénée, Katumbo, Muluda Technicien, Tshinabu Brinch. Ils étaient tous très forts avec un phénomène capable de marquer du rond central : Kalala. J'ai joué 5 ou 6 ans avec ces gars-là, je ne peux pas les oublier... 

Puis vous gagnez deux titres de champion d'Afrique ?

Oui, en 67 contre Kotoko, puis en 68 contre les Togolais d'Etoile Filante... En 69 on joue encore la finale, mais on est battu par Ismaïlia d'Egypte, en 70 également on perd contre Kotoko en finale et en 72 contre Hafia Conakry en demi-finale sur un forfait imaginaire. Ça fait quand même 4 finales et une demi... 

On vous avait trouvéun sobriquet, à vous aussi... quel type de joueur étiez-vous ?

Oui, bien sûr, on m'appelait "Grand Suisse" à cause de mon passage là-bas... Moi, j'étais technique. Notre force, c'était l'attaque. KALALA frappait vraiment fort, mais celui qui lui faisait la passe c'était moi... je lui mettais le ballon dans les pieds de 40 mètres. Du gauche et du droit... Un jour VIDINIC, l'entraîneur, m'a demandé si je pouvais faire des passes de l'extérieur du pied. Je lui en ai donné la preuve en match, contre les Ivoiriens, et on a égalisé.

Vous avez aussi été entraîneur, non ?

Oui, à l'époque les joueurs comme nous le devenaient quasi automatiquement. J'ai entraîné durant 2 ans, alors que le président était KATEBE KATOTO. Je l'ai fait gratuitement... 

"On m'a coupé mon salaire parce que je voyageais"

Votre formidable épopée de joueur vous a permis de gagner de l'argent ?

Rien du tout ! On jouait pour l'honneur, nous... On travaillait tous, moi à la Gécamines. Il est arrivé qu'on me coupe le salaire parce que j'avais voyagé pour jouer la Coupe d'Afrique ! Pour un déplacement de 4 jours on nous donnait 20 dollars, vous imaginez... En fait l'Etat nous en attribuait 200 mais 180 disparaissaient en route... Un jour, on a même menacé la fédération de ne pas nous déplacer si on ne nous donnait pas notre argent. Quand on a gagné nos deux coupes, on ne nous a même pas honorés à Kin... C'est le Ministre des Sports qui a organisé une fête chez lui, en privé.

Vous continuez à suivre Mazembe ?

Bien sûr ! Le dernier match que j'ai vu à la télé sur Digital Congo, c'est celui contre V. Club. On regarde chez Abdon KAMIN, le fils d'Adolphe qui est président de la section de Bruxelles du Fan Club de Mazembe. J'avais aussi suivi en direct la finale d'Abu Dhabi contre l'Inter.

Un souhait pour conclure ?

Oh, vous savez, je suis bien ici à Bruxelles, chez mon fils. On se téléphone régulièrement entre anciens après les matches importants... Oui, je peux bien vous avouer une chose : ce qui me ferait plaisir, c'est que le président KATUMBI nous invite pour l'inauguration du nouveau stade. Ça oui, c'est un rêve...

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