1948-1957 : Stéphane KABANGU était « Gibson, roi des feintes »

Stéphane KABANGU, 91 ans : "Nous Monsieur, on savait dribbler ! ..."

AU RENDEZ-VOUS DES GRANDS ANCIENS

1948-1957 : Stéphane KABANGU était « Gibson, roi des feintes »

12 août 2011

 

A 91 ans aujourd’hui, Stéphane KABANGU est parmi les 3 plus vieux joueurs du TP Mazembe encore en vie ! Surnommé « Gibson, roi des feintes » l’homme nous relate dans une interview l’épopée des Corbeaux de 1948 à 1957, période que bien des écrivains de l’histoire d’Englebert n’ont pas pu pénétrer.

Né à Elisabethville le 04 Janvier 1920, Stéphane KABANGU se retrouve à l’âge de 15 ans à Jadotville à la suite de la mutation de son père par l’Union Minière. A sa rencontre, nous découvrons un homme commis à la garde d’un chantier au quartier Kabulameshi dans la commune de Lubumbashi. A le voir, il va bien et n’éprouve aucun souci de santé !

En réponse à notre première question (comment se porte-t-il ?) il décide de faire un tour en courant aux abords de sa maison avant d’exécuter un mouvement sans ballon. Dommage que nous n’avions pas emporté un ballon pour nous permettre d’apprécier les réflexes de ce « fin dribbleur ».

C’est dans les rues de la commune Panda, qu’un supporter proche du staff dirigeant d’Englebert l’avait remarqué et convaincu de regagner Elisabethville pour défendre les couleurs d’Englebert à l’âge de 28 ans! « Englebert était ma première équipe en 1ère division… » nous confirme cette bibliothèque vivante de l’histoire des Corbeaux.

Pourquoi choisir Englebert  ?

Nous jouions à cette époque pour le plaisir, un coca suffisait et quelques casse-croûtes. Une fois chez Englebert, le comité se débrouillait pour que ses joueurs soient employés par des entreprises belges de la place. A mon arrivée en 1948, le club n’avait aucune notoriété sur le plan national hormis une brillante prestation au championnat d’Elisabethville. Une fois chez Englebert, j’ai hérité d’un emploi à la Banque Commerciale, c’était une bonne occasion de ma part de réaliser le rêve de mon épouse qui tenait à tout prix à quitter Jadotville préférant vivre à Elisabethville.

L’échange se poursuit, notre interlocuteur fait appel à son épouse Godelive KAPAYI, 79 ans, qui lui apporte une vieille photo datant de 1952 : un document d’archive d’Englebert qu’il garde précieusement. Ce n’est qu’une fois le document entre ses mains que nous remarquons que Stéphane KABANGU lutte contre un début de maladie d’Alzheimer …

Vous rappelez-vous de l’équipe type pendant vos 9 ans chez Englebert ?

C’est seulement en 1952 que nous avons bâti une bonne équipe. Je vous la donne :

          N° 1.Grazuel (Gardien), 

          N°2. Jean MWILAMBWE alias«DIBWE », 

          N°3. Steven KAPANGU, 

          N°4. Joseph MULENDA alias « le Terrible », 

          N°5. Pierre KALALA ailas « 52 », 

          N°6. Adolphe MWIKA dit « Demi Tank », 

          N°7. Stéphane KABANGU alias « Gibson Roi des feintes », 

          N°8. Austin MUZEMBE alias « Mwalimu », 

          N°9. Alphonse MULUNGI le « Bombardier Nermanse », 

          N°10. François PANDE MOYA alias « De Chine roi des têtes », 

          N°11. Henri KATEMEA « l’Infatigable ». 

Ce sont les éléments du onze de départ en 1952 l’année où nous avions conquis le football local. Un résultat obtenu grâce à l’implication des feus présidents Sylvestre MPIANA et de son adjoint YOMBI OUVERA NGOMBI.

D’où vint ce vocable « Tout Puissant » alors que le club ne s’appelait qu’Englebert !

En 1948 lorsque je suis arrivé, Paul GIBSON capitaine de l’équipe et François PANDE MOYA son adjoint réussissaient un parcours sans faute au championnat. Le président MPIANA et son staff décidaient alors d’ajouter « Tout Puissant » comme qualificatif à l’équipe, cela pour avoir battu toutes les équipes en aller-retour. Il ne faut pas confondre et croire, comme certains, que TP était tiré des Travaux Publics, lieu d’entraînement de l’équipe vers 1954. Cette version est fausse.

Citez-nous des équipes que vous aviez vaincues à cette époque ?

Saint Eloi, Lubumbashi, Vaticano, Kipushi, Police, Saint Pierre, Amato, Solbena, Empire LUNDA et Jeunesse NDEMBO avaient subi notre puissance. Nous avions remporté au moins quatre titres du championnat local. Les matches officiels se disputaient au stade Léopard II, là que se construit ce jour le futur stade Mazembe; nous fréquentions aussi le stade Albert que vous appelez aujourd’hui stade omnisports de la Kenya.

Quels souvenirs gardez-vous d’Englebert ?

Avant l’indépendance du Congo, se déplacer à bord d’une camionnette était un prestige pour ma famille. Le vice-président YOMBI avait mis à la disposition de toute l’équipe d’Englebert une camionnette pour le transport ; rendez-vous compte avant l’indépendance du Congo qu’un indigène de classe inférieure prenne place sur quatre roues !

Pendant 9 ans de carrière footballistique chez Englebert, unique club que j’ai connu dans ma vie, nous ne nous déplacions que pour la Rhodésie du Nord (Zambie), Jadotville et dans certaines localités du Katanga parce qu’il n’existait pas de championnat national. C’est seulement en 1959 une année après mon départ que la 1ere édition de la coupe du Congo a été organisée et remportée par Saint Eloi notre concurrent. Ces voyages en tant que footballeur dans les régions environnant Elisabethville étaient un privilège et me procurait un énorme plaisir.

Quels sont les dirigeants que vous avez connus ?

D’abord le président Sylvestre MPIANA lorsque je suis arrivé et en 1954 le président YOMBI qui lui succéda. A l’accession du président YOMBI, le club avait changé de tendance et déménageait de Kamalondo, où il s’entraînait, pour le quartier industriel dans l’enceinte du bâtiment des Travaux Publics.

Quels sont les joueurs en qui vous vous identifiez aujourd’hui ?

Deo KANDA et surtout ce jeune qui porte mon nom Patou KABANGU, c’est aussi un bon dribbleur et il joue au même poste que moi : le numéro 7. Quant au style des dribbles que nous exécutions à l’époque comparativement à ce que font KANDA et KABANGU, je reste convaincu que la nouvelle génération ne fait pas beaucoup mieux que nous, « la vitesse et l’aisance » peut-être pour une bonne raison : le football a évolué.

Je suis sûr que Mazembe n’a pas encore eu des dribbleurs aussi habiles que Brunch TSHINABU, KALONZO technicien et MULENDA, qui ont su nous remplacer à notre retraite.

A 91 ans, Stéphane KABANGU malgré de rares petits trous de mémoire, s’exprime bien. Après près d’une heure trente minutes d’échange où il ne manque pas de revenir sur la situation politique de la RDC, notre interlocuteur salue aussi les efforts du chairman Moïse KATUMBI dans l’encadrement des jeunes. Et de féliciter toute l’équipe pour avoir immortalisé le nom de Mazembe en montant l’année dernière sur la deuxième marche du podium lors de la Coupe du monde des clubs.

La situation économique et sociale de l’intéressé étant très précaire, nous prenons congé de lui parce qu’il doit – comme il nous le confie - aller négocier un terrain au nom d’un acquéreur potentiel et recevoir de ce dernier une commission de 5% du prix d’achat. Son unique revenu pour ce mois ! ...

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